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Item Open Access Le Butō et le choix de la chair : les influences françaises sur la quête ontologique de la "danse des ténèbres"(2019-04-07) Gulcicek, Michael Steven"Emmenez un cambrioleur dans un café pendant la journée et donnez-lui du gâteau. Il va pleurer" - Hijikata Tatsumi (Shibusawa 79). La danse est un médium d'art éphémère dont l'expression unique du temps (Valéry 22) submerge le danseur et le spectateur dans une présence profonde (Monnier et Nancy 23 ; Badiou 97). Par conséquent, la danse, comme médium, résiste à la signification (Monnier et Nancy 18, 23, 25, 34) et existe au-delà de l'ordre symbolique du langage. Pour préciser, dans la danse en général, les danseurs témoignent souvent qu'ils s'éloignent d'une notion du soi quand ils dansent (Andrieu 115, Ténenbaum 216), surtout en rencontrant une présence pure grâce à l'ouverture de la réceptivité des sens par rapport au monde physique (Gaillard 74-76). C'est dans cet élément de " l'écart " (Monnier et Nancy 32) entre le soi et le corps que le butō fonde sa propre danse. Ankoku butō - " la danse des ténèbres " - prend son origine dans un contexte mondial d'après-guerre marqué par une perte du sens, surtout dans un Japon vaincu, où le sens de la matière même se décomposait. Plus précisément, le butō s'est formé au Japon dans un contexte politique et résolument avant-gardiste des années 1950 et 1960 qui reposait avec acuité les questions générales d'après-guerre : Qu'est-ce que l'humain ? Et, qu'est-ce que le monde ? En même temps que le butō s'origine dans un contexte et dans des traditions japonaises, il est considérablement influencé par des penseurs et des artistes français. En particulier, les artistes de butō ont lu des écrits de Jean-Paul Sartre, de Maurice Merleau-Ponty et de Georges Bataille parmi d'autres contemporains. Ils ont été inspirés par des avant-gardes françaises comme les dadas, les Surréalistes et surtout Antonin Artaud (Sas " Hands " 18). Ces créateurs exploraient tous la perception, les limites de la conscience et du sens, en cherchant des moyens de libérer le sujet de ses retranchements subjectifs et sociaux. Les idéaux ontologiques font corps avec la danse de butō. En invoquant les notions d'être de bouddhisme, de chair d'Artaud et de l'érotisme de Bataille, le butō tente de danser exclusivement sur le seuil entre la chair du corps l'humain et la chair du monde. Pour rapprocher cet écart, le butō commence sa danse avec l'acte intentionnel de dépouiller le corps de la signification. Mais, forcément le rapprochement de la perte totale du sens pose les questions : pourquoi agir ? Pourquoi ne rien faire ? Et donc, par rapport à butō : Pourquoi danser ? Pourquoi ne pas explorer l'être en méditant jusqu'à la disparition totale ? Le butō reconnaît que chaque moment de la vie est un choix. Alors, les artistes de butō mélangent leur art de la danse avec leur propre vie en choisissant le butō dans chaque instant. Le butō est le choix d'explorer notre corporéité, une part d'une plus grande réalité de l'être inconnu. Le corps lui-même est un univers complètement inconnu, la chose le "plus loin" de nous, comme déclarait fondateur Hijikata Tatsumi (SU-EN 205). Le butō tente de fouiller le corps et les limites de la corporéité. En rapprochant l'inconnu de l'être, le butō cherche la nature vraie du corps - c'est-à-dire de la chair humaine -au-delà de la raison, du langage, et de la signification. Ainsi, le butō révèle les aspects profonds et aussi "noirs" et effrayants de notre nature humaine. Désormais, le butō remplit son corps réceptif à l'univers aux mouvements et aux moyens de percevoir auparavant l'inconnu. Le butō fait de son corps-même un objet d'art. Et, en le construisant, le danseur s'engage dans un processus du devenir continu, toujours ouvert aux nouveaux possibles de la corporéité et de la perception. Enfin, le danseur continue son acte de devenir sur la scène devant un public. Ultimement, je vois le choix de danser le butō comme un acte humaniste. En descendant du seuil de la chair de l'univers, le danseur de butō réincarne son corps pour étendre les possibilités d'être un humain. Il choisit désormais de proliférer cette éthique de choix humain en créant son être dans la performance. Le butō s'installe dans un théâtre métaphysique comme celui imaginé par Antonin Artaud. Le danseur de butō présente le devenir continu de sa chair, impliquant les spectateurs dans le présent absolu. Ainsi, le danseur montre les possibilités d'être dans la forme d'un humain. À partir d'une naissance japonaise et une formation inspirée par les idéologues français, le butō incarne une philosophie plus ou moins existentialiste. Et il nous montre que notre forme est la chair du choix.